« La destruction de la nature et le changement climatique représentent les deux crises indissociables auxquelles l’humanité est confrontée. En fermant les yeux, nous courons le risque de fragiliser les entreprises et de les exposer à des dangers. »
Cette phrase extraite du Nature of Risk Report du WWF résume parfaitement les problèmes qui nous sont posés. Les activités humaines sont à l’origine de bouleversements dévastateurs pour le climat et les écosystèmes naturels. Si nous n’agissons pas maintenant, les risques pour les entreprises, les moyens de subsistance et les économies mondiales ne feront que de s’aggraver.

L’état de la nature

Les effets du changement climatique sont bien connus. Dans son dernier rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) évoquait une « alerte rouge pour l’humanité ». L’impact des activités humaines sur la nature est tout aussi alarmant. S’agissant de la diversité des espèces, la planète connaît actuellement sa sixième extinction de masse. Un million des espèces animales et végétales (soit 25 %) risquent de disparaître, un taux 1000 fois supérieur au « taux habituel » d’extinction sans intervention humaine. De plus, nous avons atteint la journée du dépassement de la Terre en juillet 2021, date à laquelle la consommation de ressources écologiques de l’humanité au cours d’une année dépasse ce que la Terre peut générer au cours de cette même année. Cela équivaut en somme à cinq mois de production non durable pour 2021.

Le lien entre la nature et le changement climatique

Le lien entre le changement climatique et la nature est essentiel. Nous savons que la destruction des habitats naturels diminue la résilience climatique. Elle entraîne la libération vers l’atmosphère du carbone stocké dans ces habitats et détruit la capacité de ces derniers à capter le carbone. Elle réduit également la capacité de la terre à s’adapter aux événements météorologiques extrêmes causés par le changement climatique. Lequel changement climatique amplifie les facteurs qui sont à l’origine de la destruction de la nature. Les études montrent que le changement climatique est responsable à hauteur de 11-16 %i de la perte de biodiversité et continuera de dégrader nos habitats naturels.

Bien que le changement climatique ait été érigé au rang de priorité, la nature n’est désormais plus en reste et rentrera dans le cadre des discussions de la COP26 qui se tiendra à Glasgow. Citons également la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité de 2021 (CBD COP 15), qui vise spécifiquement à traiter de la question de la restauration de la nature. Les objectifs suggérés comprennent le zéro destruction nette de nature à partir de 2020, avec un scénario net positif d'ici 2030 et une restauration complète d’ici 2050. En outre, la récente mise en place du Groupe de travail pour les informations financières liées à la nature (TNFD) répond à une ambition similaire à celle du Groupe de travail pour les informations financières liées au climat (TCFD) et vise à fournir un cadre pour orienter le reporting financier lié à la nature.

La nature comme solution au changement climatique

Pour s’attaquer au changement climatique, nous devons nous concentrer sur la réduction des émissions de CO2 et décarboner rapidement l’économie. Mais le lien inextricable entre la nature et le climat souligne également le rôle important que peut jouer la restauration de l’environnement naturel en améliorant la gestion de nos terres et de nos océans. Ce concept est souvent désigné sous le nom de Solutions basées sur la nature (SbN). L’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) les décrit comme des « mesures visant à protéger, à gérer dans le respect de l’environnement et à restaurer les écosystèmes naturels ou modifiés afin de répondre aux défis sociétaux efficacement et en s’adaptant, tout en apportant des bénéfices en termes de bien-être pour les populations et de biodiversité ».

Les mécanismes de lutte contre le changement climatique

Les SbN pour résoudre la question du changement climatique et permettre la restauration de la nature nécessitent des financements publics et privés considérables. S’agissant du privé, le principal mécanisme pour évaluer l’utilisation de SbN dans la lutte contre le changement climatique passe par l’instauration de crédits carbone, qui pourraient être utilisés par l’investisseur de la SbN pour compenser ses propres émissions ou vendus sur le marché du carbone. Dans le futur, d’autres mécanismes destinés à attribuer une valeur financière à la restauration de la nature devraient voir le jour, tels que des crédits biodiversité ou pour des services d’écosystème plus larges.

Quelles sont les SbN les plus adaptées pour lutter contre le changement climatique ? Les études ont démontré les taux de séquestration du CO2 d’un large éventail de SbN, dont une amélioration des prairies, des herbiers marins et des bocages. Au Royaume-Uni, deux SbN seulement sont disponibles pour lesquelles les cadres existants sont en mesure de quantifier la réduction de carbone et de fournir une compensation vérifiable et validée par des acteurs externes impartiaux. Il s’agit de la création de zones boisées et de la restauration des tourbières.

Les principes pour utiliser la nature comme solution au changement climatique

Plusieurs facteurs doivent être pris en considération avant d’envisager d’utiliser des SbN pour créer des impacts positifs de grande ampleur et éviter des conséquences qui seraient fâcheuses. Par exemple, certaines approches employées pour optimiser la séquestration du CO2 ne sont pas nécessairement dans l’intérêt de la biodiversité. C’est pourquoi les SbN doivent reposer sur des principes de meilleures pratiques afin de garantir que l’objectif de la réduction des émissions de carbone tienne compte d’intérêts susceptibles d’entrer en conflit. Voici quelques-uns des principes clés que nous recommandons de suivre.
  • Privilégier le local : s’assurer que les SbN sont conformes aux exigences locales en matière de restauration des habitats. Par exemple, en utilisant des espèces autochtones et en faisant le lien avec les réseaux de la faune locale.
  • Maintenir l’équilibre : malgré la priorité donnée au carbone, s’assurer que la restauration de la nature est optimisée autant que possible en cherchant à obtenir un gain net plus important pour l’environnement et la biodiversité.
  • Quantifier : effectuer des évaluations régulières afin de mesurer et quantifier le carbone, la biodiversité, les services d’écosystème au sens large et les bénéfices pour la société.
  • Additionnalité : pour qu’une SbN soit crédible, elle doit également démontrer une additionnalité, ce qui signifie que l’activité réalisée pour créer la solution est distincte de son état de référence.
  • Prendre en compte les individus : pour qu’une SbN soit efficace, elle doit être en harmonie avec les personnes. On ne peut donc faire l’économie d’une consultation complète et d’une implication active des parties prenantes locales. Cela permet d’améliorer le site au regard des exigences et des bénéfices sociaux plus larges, par exemple en améliorant l’accès à la nature et aux opportunités éducatives. Cela évite également les retombées négatives imprévues ou les problèmes de déplacement.
  • Garantir la transparence : appliquer un cadre de reporting solide et transparent, soumis à des contrôles et à des vérifications indépendants.
  • Adopter une vision globale : si des SbN sont utilisées pour compenser les émissions de carbone, elles ne doivent être mises à disposition que de ceux qui peuvent démontrer qu’ils appliquent les Principes d’Oxfordii et qu’ils prennent des mesures pour réduire l’impact environnemental et l’empreinte carbone de leurs activités commerciales.
i Citi GPS (2021) Biodiversity: The Ecosystem at the Heart of Business [en ligne]. Disponible sur: https://ir.citi.com/gps/IfLxkvXYpBe%2BIkzx33IDstLbBb6tXWm3K6VxJuEfb9YC5DQcPgnnXAtB26SMWii%2FnpqxQ4TGOxM%3D (consulté le 05/08/2021).

ii The Oxford Principles for Net Zero Aligned Carbon Offsetting, septembre 2020 [Myles Allen, Kaya Axelsson, Ben Caldecott, Thomas Hale, Cameron Hepburn, Conor Hickey, Eli Mitchell-Larson, Yadvinder Malhi, Friederike Otto, Nathalie Seddon et Steve Smith]